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J’suis « cadorin »


Au fond, qu’est-ce c’est qu’être « cadorin » ? j’en suis certain, cela signifie : différent.
Je garde en moi des racines qui s’enfoncent dans des histoires parfois oubliées mais toujours présentes dans l’inconscient. J’ai besoin de cette connaissance pour pouvoir ouvrir mon cœur aux différences les plus déconcertantes, et oser la rencontre.

Son cadorin ! (italiano)

Il mondo non sarà una massa uniforme e uniformizzante perché io porto...

J’ai écrit ce texte en m’inspirant d’une composition de Tri Yann : « La Découverte Ou L’ignorance »

Cadorin. (lire kadorine). Né en Cadore. Le Cadore est une vallée de montagne en Italie dans la région de Venise. C’est une des vallées d’origine « ladina » où les premières populations pratiquaient une langue et des traditions très différentes des populations environnantes.

Calalzo. L’un des communes du Cadore.

Dialecte. Le « ladino » est une langue ancienne présente dans plusieurs vallées des Dolomites, en Italie du nord-est.


Je suis « cadorin* ! ». Je suis né à Calalzo** à une époque où les mamans n’accouchaient pas à la clinique. Suis-je de pure race ? Qu’importe si ma mère venait d’ailleurs.

J’ai grandi parlant le dialecte***, parlant le dialecte et l’italien. Sauf à l’école, là l’italien était de rigueur. Mais ce que j’avais au fond du cœur j’aimais le dire en dialecte : les sentiments étaient plus vrais, avec les amis on se comprenait avec peu de mots.

J’habite dans un autre pays depuis des années. Mon identité est bien définie. Je suis italien pour l’état civil, résidant en France. J’assume à tout instant le fait d’être citoyen du « bel paese », c’est bien marqué sur tous mes papiers. Mais mes origines culturelles sont d’une nature facultative que je peux ignorer, cacher et même oublier.

Au fond, qu’est-ce c’est qu’être « cadorin » ? Un linguiste ? Un autonomiste ? un nostalgique ? Un asocial ? Quelqu’un qui veut s’afficher ? Sans doute un peu de tout cela. Mais plus vrai encore, j’en suis certain, cela signifie : différent.

Je suis différent des autres, comme les autres sont différents entre eux et différents d’autres encore. Je porte en moi mes racines, qui s’enfoncent dans des histoires parfois oubliées mais toujours présentes dans l’inconscient de chacun. Je suis forgé par une histoire antique dont les hautes montagnes ont été témoins, une histoire qui a conduit mon peuple à l’actualité de nos jours. Je suis différent par une culture reçue avec le lait maternel, absorbée par des regards silencieux, vérifiée dans le silence de sommets sauvages et dans les ténèbres d’abîmes sans fond.

J’ai besoin de cette culture pour regarder le présent de façon personnelle et unique. J’ai besoin d’être « cadorin » pour pouvoir ouvrir mon cœur aux différences les plus déconcertantes et oser la rencontre. C’est à partir des racines les plus intimes que je peux offrir à l’avenir le meilleur de moi-même, la partie la plus authentique.

Le monde ne sera jamais une masse uniforme et annihilante car je porte en moi des différences dont il a besoin. A côté d’autres, différents à leur manière, avec nos richesses qui feraient défaut si elles venaient à manquer. C’est une contribution unique et non remplaçable que je porte en moi, libre que je suis de l’offrir ou de l’anéantir à jamais. Fier de mon unicité je reconnais et j’accueille les nombreuses particularités que les rencontres et les événements me dévoilent jour après jour : elle sont le signe et les ingrédients d’un univers haut en couleurs où l’unité est plus grande que la somme des parties.

Oui, c’est cette certitude qui me rend pleinement « cadorin ».

Italien je le serai toujours, « cadorin » seulement les fois où j’en aurai la pleine conscience. Si je suis perdu dans la masse, le Cadore disparaît en moi. Si tous les « cadorin » du monde oubliaient leur unicité, alors le Cadore cesserait d’exister, et personne ne pourrait mesurer le vide laissé par notre abandon. Génération après génération, dans nos villages, de nouveaux-nés peupleront la vallée. Seront-ils des « cadorin » ? Personne ne peut le savoir. Chacun le découvrira, le moment venu, en écoutant en son fort intérieur. Alors il pourra déclarer, fier et libre, d’un seule voix avec nous tous : « Je suis cadorin » !